
Présentez-vous aux membres de l’AGIL.
Je suis pneumologue et cancérologue et après un clinicat chez les Pr Galy et Brune, je suis entré comme adjoint temps partiel à l’Hôpital Saint Joseph et à l’Hôpital Saint Luc, tout en travaillant à la Clinique des Minguettes. Par la suite j’ai été nommé en 1993 Chef du service de pneumologie et cancérologie thoracique à l’Hôpital Saint Joseph et Saint Luc pendant 20 ans. Ayant décrit en 1990 deux cas exceptionnels de silicoses aigues, chez des jeunes filles qui avaient sniffé de la poudre à récurer Ajax, je me suis passionné sur la sous-estimation du risque poussières dans des maladies pulmonaires considérées comme idiopathiques (sarcoïdoses, fibroses…) et j’ai créé un laboratoire de minéralopathologie dans le laboratoire de biologie du Centre Hospitalier Saint Joseph et Saint Luc qui étudiait aussi les surcharges en amiante.
J’ai démissionné prématurément de mon poste en 2013 pour participer à une recherche socio-historique et médicale avec un laboratoire de sciences-Po Paris, le projet Silicosis, et j’ai créé en 2014 la société Minapath qui a fait l’acquisition d’un microscope électronique à balayage, pour étudier de manière plus précise l’empoussièrement des tissus et aider à établir des relations causales entre pathologies et expositions à des particules minérales.
Vous avez créé il y a quelques mois l’association ASAP for children. Parlez-nous-en.
J’ai appris à l’automne 2018 que ma petite fille ainée âgée de 10 ans était porteuse d’une maladie génétique hyper-rare : la SMA-PME (Spinal Myopathy Atrophy (SMA), et Progressive Myoclonic Epilepsy (PME). Elle s’est développée tout à fait normalement jusqu’à l’âge de 8 ans où il a été mis en évidence une surdité centrale bilatérale partielle nécessitant un appareillage. Puis sont apparus des mouvements anormaux de la tête et des yeux très fugaces, mais associés à des chutes brutales lui occasionnant des traumatismes, liés à une épilepsie myoclonique. Par ailleurs sa maman avait noté un manque de force musculaire qui n’avait pas inquiété la neuropédiatre qui la suivait. C’est finalement l’analyse de l’exome généralisé fait par l’Hôpital Necker, qui a mis en évidence qu’elle était porteuse d’une double mutation récessive du gène AsaH1 qui permet la production de Céramidase. Cet enzyme est essentiel pour le métabolisme des membranes cellulaires graisseuses, en particulier les neurones.
C’est à cette annonce diagnostic et devant le pronostic spontané redoutable sans thérapeutique active que j’ai décidé de créer l’Association ASAP (As Soon As Possible) for Children dédiée aux malades présentant un déficit de fonctionnement de ce gène.
Décrivez-nous plus en détails les maladies que vous souhaitez combattre avec votre association.
Le déficit de ce gène est responsable de deux maladies :
La maladie de Farber pour laquelle les enfants n’ont aucune activité Céramidase. La maladie se déclare tôt. Elle se traduit par des articulations douloureuses, des nodules sous la peau, un retard cérébral. Les enfants décèdent avant l’âge de 2/3 ans.
La maladie SMA-PME pour laquelle on peut déceler une faible activité Céramidase. La maladie apparait vers l’âge de 6 à 10 ans et associe faiblesse musculaire par atteinte des motoneurones, épilepsies myocloniques avec des chutes brutales, tremblements et baisse de l’audition. Le décès survient vers l’âge de 16 à 18 ans.
Ces maladies sont hyper rares : environ 200 cas de Farber ont été publiés dans la littérature mondiale depuis une quarantaine d’années contre près de 50 cas de SMA-PME.
On pense cependant qu’il y a une sous-estimation du nombre de SMA-PME en particulier.
Quels sont actuellement les pistes de traitement pour ces maladies ?
Ce diagnostic survient à un moment où il existe une nette avancée de la thérapie génique. Une maladie comparable qui touche les motoneurones et due à une mutation du gène SMN responsable de la SMA classique, vient d’avoir une AMM pour la thérapie génique par la FDA. Un transgène réalisé avec un virus AAV9 et le gène défaillant a été mis au point au Généthon. Une licence pour le développement clinique a été donnée au Laboratoire Avexis. Ce laboratoire a montré dans un essai clinique portant sur 15 enfants, qu’une dose de l’ordre de 1014 virus par kilo donnée chez des enfants malades, peu de temps après la naissance, pouvait leur permettre de se développer normalement au point de vue musculaire.
Le traitement substitutif très couteux par la protéine manquante n’est plus nécessaire. Il s’agit du médicament à ce jour le plus cher au monde. Il coute de l’ordre de 2 Millions d’Euros l’injection unique. Le Laboratoire Novartis vient de racheter la société Avexis pour 8 Milliards de dollars.
La piste de traitement la plus prometteuse est donc de créer un transgène avec l’AAV9 et le gène AsaH1.
Une deuxième piste est un traitement substitutif par la Céramidase recombinante qui est sous licence par le Laboratoire Enzyvant, qui doit commencer un essai sur les maladies de Farber dans les mois à venir, qui pourrait s’étendre aux SMA-PME quelques mois plus tard. Cependant il n’y a pas de date précise prévue à ce jour et il est possible qu’il ne s’agisse à ce jour que d’effets d’annonce.
Quelles actions avaient vous déjà mis en place, ou souhaiteriez-vous mettre en place prochainement ?
1/ Nous avons organisé les 27 et 28 Juin 2019 un séminaire International qui s’est tenu à Lyon au Centre Jean Bosco et qui a réuni les principaux scientifiques qui travaillent sur cette maladie : Le Pr Schuchman du Mount Sinai Hospital à New York qui a mis au point la céramidase recombinante, les Pr Mitchell et Dyment de Montréal et d’Ottawa , le Pr Boepsflug Tanguy, neuropédiatre à l’Hôpital Robert Debré à Paris, le Dr Melki qui a identifié le gène AsaH1 dans la SMA-PME et le Dr Ana Buj Bello qui dirige une unité mixte CNRS–Inserm au Généthon.
Deux familles sont venues, une des USA et une d’Athènes.
2/ Nous avons par ailleurs identifié une dizaine de cas de SMA-PME dans le monde actuellement en vie.
3/ Le Dr Ana Buj Bello a commencé à développer un transgène AAV9-Asah1 qui va être testé dans les mois qui viennent sur des cultures de cellules d’enfants malades et sur des modèles animaux.
Une fois un transgène actif identifié, il va falloir faire une étude de toxicité classique avant de réaliser des lots qui pourront être utilisés pour une étude clinique compassionnelle.
Ma petite fille Calixte âgée de 11 ans est la moins touchée des cas identifiés, mais cependant elle continue à faire des chutes régulières malgré une trithérapie d’antiépileptique et ses forces diminuent : elle ne peut plus faire de bicyclette et commence à peiner pour monter les escaliers.
Nous sommes confrontés à une vraie course contre la montre entre le principe de précaution avec la nécessité de remplir toutes les étapes du parcours de la mise au point du médicament et le principe d’assistance à enfant en danger.
4/ Nous cherchons à sensibiliser les décideurs politiques : JL Touraine a participé à notre colloque, nous avons rencontré également Philippe Berta, généticien, et Olivier Véran, neurologue, tous deux députés.
Nous souhaiterions qu’il soit accepté dans la loi bio-éthique, qu’en cas de maladies hyper-rares à pronostic péjoratif, l’étude de la balance risque-bénéfice puisse permettre d’accélérer l’accès à des traitements dans un cadre compassionnel.
5/ Nous avons pu réaliser un sondage IPSOS/ASAP for Children sur 1000 personnes représentatives de la population française concernant les Français et la lutte contre les maladies rares, un an après la mise en place du Plan National n°3. Il a montré en particulier que les français considèrent massivement que le financement de projets de recherche sur des traitements innovants contre les maladies rares pourrait avoir des conséquences importantes pour des patients atteints d’autres maladies et valoriser la recherche française.
6/ Notre but est d’amener au moins cinq enfants à la thérapie génique. Le cout estimé est de l’ordre de 10 Millions d’Euros si on prend en référence le coût du traitement pour la SMA.
Nous avons obtenu officiellement la possibilité que les dons soient défiscalisés à 66 % pour les particuliers et 60 % pour les entreprises. Nous espérons obtenir des dons d’entreprises dans le cadre de leurs actions de RSE concernant la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises.
7/ Nous pensons que ces coûts peuvent être diminués en favorisant le développement d’une filière française des biothérapies innovantes et en accélérant le transfert de données entre recherche fondamentale et clinique appliquée.
8/ Nous prévoyons de participer à l’organisation d’évènements sportifs et culturels, et réaliser des démarches auprès de mécènes.
Un dernier mot à adresser à vos confrères anciens internes de Lyon ?
Pour faire un don à ASAP for Children il y a plusieurs possibilités :
- Internet en se connectant sur notre site : https://www.asapforchildren.org/. Il est possible de faire un don en ligne par carte bancaire selon deux possibilités :
o Via HelloAsso pour les dons en Euros
o Via Paypal pour toutes les devises
- Par voie Postale en envoyant un chèque à l’adresse suivante : ASAP for Children 30 Cours Franklin Roosevelt 69006 Lyon, à l’ordre d’ASAP for Children.
- Par virement bancaire en nous contactant à l’adresse suivante : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Merci par ailleurs de recommander notre page Facebook https://www.facebook.com/asapforchildren et de relayer notre message auprès d’entreprises qui pourraient se sentir concernées.
Nous sommes à la recherche également de jeunes chercheurs en thérapie génique pour renforcer note comité scientifique dont font partie déjà le Pr JF Mornex et le Pr A Calender.
Merci encore d’aider notre combat.
Propos recueillis le 26 août 2019.